Vers une réforme de l’héritage ?
Le 8 mars 2022, le Club du droit, mis en place par le Conseil supérieur du Notariat, a organisé un débat autour de l’avenir de l’héritage. Un sujet particulièrement intéressant pour moi, compte tenu de ma profession antérieure de conseil en gestion de patrimoine.
Alors que certains dénoncent l’héritage comme reproducteur d’inégalités sociales, souvent sans considération pour le mérite personnel, d’autres le reconnaissent comme source de redistribution générationnelle, stimulateur de consommation. C’est donc un sujet particulièrement clivant, largement débattu à chaque élection présidentielle et qui mérite d’être éclairé par des professionnels. Pour cela, le Club du droit a convié :
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- Cécile PÉRÈS, Professeur en Droit privé à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, qui a notamment produit un rapport pour l’ancienne Garde des sceaux sur la réserve héréditaire (rapport Belloubet, 2019) ;
- Victor POIRIER, Directeur des publications à l’Institut Montaigne qui a produit des études sur les impôts sur les successions.
Cécile PERES a tout d’abord rappelé l’importance des fondements de l’héritage, qui en font un objet indispensable à la société, à savoir :
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- La propriété privée : étant un droit constitutionnel, la suppression de l’héritage serait probablement inconstitutionnelle ;
- La famille : l’héritage est un instrument de cohésion et de solidarité familiale. Il est porteur d’une charge émotionnelle forte, qui ancre les valeurs de la famille dans une société hyper individuelle ;
- L’héritage a la vertu psychologique d’apaiser l’angoisse de la mort.
Aujourd’hui, l’évolution sociétale nous oblige à remettre en question le modèle classique et historique de l’héritage. En effet :
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- Nous assistons à un vieillissement de la population, qui retarde l’arrivée de l’héritage pour les héritiers et qui en modifie donc la fonction. Toutefois, sa légitimité n’est pas remise en cause car il permet d’amortir le coût de la dépendance des héritiers (retraite) ;
- Il existe un pluralisme des modes de conjugalité et un renforcement du statut du conjoint survivant. La parentalité évolue (familles décomposées / recomposées) et la question de la belle-famille se pose ;
- La composition des patrimoines a évolué avec les grandes transformations du XXe siècle.
Le droit des successions doit donc s’adapter à ces nouvelles réalités pour que l’héritage survive aux critiques répétées.
Victor POIRIER a quant à lui analysé les volontés politiques existantes autour de l’héritage.
8 Français sur 10 sont opposés à l’impôt sur les successions, alors qu’en fait, compte tenu du seuil de déclenchement de l’impôt et de la valeur du patrimoine réellement transmis, plus de la moitié des Français restent exonérés. Néanmoins, comparée aux autres pays européens, la France fait figure d’exception par la valeur élevée de ses frais de succession.
La majorité des candidats à l’élection présidentielle s’accordent sur la nécessité d’augmenter le seuil d’exonération des frais de succession. Sans nécessairement être en accord sur les seuils. Toutefois, il existe un véritable sujet de justice sociale face aux patrimoines les plus élevés qui paient le moins d’impôts. Face aux propositions politiques dogmatiques et peu réalisables, Victor POIRIER appelle les politiques à réformer le droit des successions.
C’est pour aller dans ce sens que le groupe du MoDem a proposé une loi pour mieux allier l’actionnariat salarié et la transmission d’entreprise à l’occasion de sa niche parlementaire du 3 février dernier. Je vous invite à retrouver des informations à ce sujet dans cet article :
https://www.jeanluclagleize.fr/les-propositions-legislatives-du-modem-renovons-la-democratie/